le Petit-Gris du Magneraud

Une belle souche ... la suite

En mars 2007 la souche INRA, le petit-gris du Magneraud, arrive ici, dans mon élevage. C'est pour moi un mélange de curiosité et de fierté, et de la responsabilité. Bilan de 2007 à 2012.

 Je reçois des escargots qui en sont à la 15ème génération d'élevage hors-sol, dans des conditions réputées optimales, douceur, humidité, pas de "sales petites bêtes" pour les embêter... Il n'est pas évident que la perte de variabilité génétique, inéluctable pour une souche fermée, leur permette de s'adapter facilement à de nouvelles et plus rustiques conditions d'élevage.

conditions d'élevage :

La reproduction a lieu de mars à fin mai dans une serre froide simplement maintenue hors-gel par un petit radiateur (pour une petite visite). Les accouplements sont dirigés, les escargots n'ont pas le choix du partenaire, ils sont placés deux par deux dans des jardinières de 50 cm. La lumière n'est pas contrôlée, c'est la lumière naturelle. La température est très variable, elle descend jusqu'à 5-6° la nuit et peut monter jusqu'à plus de 30° le jour. L'hygrométrie est correcte la nuit, à 90% ou plus, mais le jour elle peut descendre à moins de 40%. Les pontes de 2007 ont incubé dans le pot de ponte, celles des années suivantes en boites de Pétri, dans un incubateur maintenu à 20°. Ensuite il y a une phase de nurserie qui utilise les mêmes jardinières que pour les couples, avec un fond de terreau, dans la serre, pour une durée de 5 à 6 semaines, durée que j'ai tendance à réduire, à raison d'une famille par jardinière. Puis les plus gros juvéniles sont placés en très petits parcs extérieurs (de 0,2 ou 0,4 m²), une famille par petit parc, l'effectif étant ajusté pour respecter une densité qui a augmenté au fil des années de 186/m² en 2007 à 292/m² en 2012. Ils sont ramassés dès la fin de l'été, à l'age de 4 mois. Il y a une génération par an. 

parcs-2010

La présélection des reproducteurs se fait famille par famille dans les deux semaines qui suivent l'apparition du premier bordé de la famille pour être certain de ne prendre que des animaux vierges, à raison de 3 à 4 individus, rarement plus. A partir de 2008 je choisis les escargots qui présentent la bordure la plus forte, c'est-à-dire le meilleur age bordé, une coquille "nickel" et une taille juste dans la moyenne de la famille, ou un peu en-dessous, je souhaite revenir ainsi très progressivement au "standard" Petit-Gris. Pour moi, le créneau des gros escargots d'élevage est déjà pris par le Gros-Gris, en générique, ou par le Blond des Flandres, en souche particulière.

Ce sont ces présélectionnés qui sont inscrits au pedigree et non pas l'ensemble des escargots récoltés, mais les performances de tous sont enregistrées dans une base de données.

gestion des accouplements :

consang La souche doit être gérée soigneusement, c'est une petite population. Elle compte 50 familles en 2007, 34 en 2012. Le pedigree m'a été transmis, toutes les parentés sont connues. Comme les accouplements sont planifiés (et non libres), je peux faire en sorte de limiter du mieux possible l'accroissement inéluctable du taux de consanguinité moyen, il est passé de 12,8% en 2007 à 13,9% en 2012. Ce niveau de consanguinité peut paraître élevé, mais il ne semble pas avoir d'incidence sur les performances de la souche. Un accroissement lent et maîtrisé de la consanguinité permet l'élimination progressive de gènes défavorables même s'il traduit une perte de variabilité génétique.

Le nombre de fondateurs, c'est-à-dire les ancêtres dont on ne connait pas les parents (donc ramassés en 1992), reste toujours le même pour chaque génération : 82.

Le nombre d'ancêtres efficaces, nombre théorique d'ancêtres principaux qui, en contribuant de façon égale, engendreraient une population de la même diversité génétique, reste proche de 12 (de 11,72 en 2007 à 11,96 en 2012).

(A titre indicatif, le nombre d'ancêtres efficaces de la population des  2 100 000 vaches laitières Prim'Holstein référencées nées en France entre 2004 et 2007 est de 20,7 seulement, du fait de l'utilisation de très peu d'excellents taureaux d'insémination artificielle)

performances de reproduction :

 pontes-inraLa reproduction a été délicate en 2007, à la réception de la souche, mais cette année-là ce fut le cas aussi pour la souche Blond des Flandres élevée dans les mêmes conditions, il ne s'agit donc vraisemblablement pas uniquement d'un problème d'adaptation au nouvel environnement.

Le graphique montre une progression régulière du rendement de reproduction en terme de nombre moyen d'éclos par reproducteur (de 72 en 2007 à 185 en 2012) mais il ne prend pas en compte la durée de reproduction qui varie suivant les années (max 11 semaines en 2008, min 7 semaines en 2010).

Le nombre moyen de petits par ponte éclose est élevé et assez régulier depuis 2008, entre 153 et 161, sauf une petite baisse à 143 en 2012 que j'espère passagère. La souche produit un pourcentage exceptionnel de pontes qui donnent plus de 200 éclos, plus de 20% depuis 2008, avec un pic à 33% en 2010, mais une baisse à 16% en 2012, ce qui reste quand même très important.

La fertilité est un caractère souvent affecté par une consanguinité élevée, on ne peut pas dire que ce soit le cas actuellement dans cette souche.

 performances de croissance :

D'abord se faire une idée d'ensemble du volume et de la qualité d'élevage.

recolte-inra

Le fait d'élever les escargots en très petits parcs ne nuit pas aux performances. L'age au ramassage est toujours de 4 mois.

poids :

poids-inrarendement-inra

 Les escargots sont pesés après une période de séchage d'au moins une semaine. La souche n'a pas fait de difficultés pour s'adapter aux conditions extérieures de mon élevage. Je l'avais ménagée au départ avec une faible densité, elle a donné 20,2 g de poids moyen. Cette année 2007 j'ai sélectionné les plus gros escargots, dans la ligne de la sélection INRA, la réponse est forte en 2008 avec un poids moyen de 21,3 g. Par la suite, les effets conjugués de l'absence de pression sur la taille et de l'augmentation de la densité conduisent à une réduction du poids moyen mais sans pénaliser le poids récolté par m².

age bordé :

age1erborde-inraJe relève l'age du 1er bordé parc par parc, seulement l'age du 1er bordé, mais dans un parc se trouvent des escargots d'une même famille, éclos ensemble, dès que l'un borde, les bordaisons s'enchainent. En choisissant les futurs reproducteurs en fonction de la solidité de la bordure, famille par famille, dans les deux semaines qui suivent l'apparition du 1er bordé, je choisis donc systématiquement parmi les meilleurs pour l'age bordé. Cependant c'est une sélection intra-familiale et non une sélection individuelle (massale) sur l'ensemble de la génération. Autrement dit même si une famille a une performance modeste sur l'age de son 1er bordé, elle donne néanmoins des reproducteurs, gestion de la consanguinité oblige. D'autre part ce caractère est sensible à la température, ainsi en 2010, les pontes s'étaient faites assez vite et bien (seulement 7 semaines de durée de reproduction), donc le début de croissance des nouveaux-nés s'était fait également tôt en saison, à une température globalement moins élevée qu'en été, la moyenne des ages des 1er bordés s'en est logiquement ressentie. Le graphique permet d'observer l'évolution de la moyenne des ages du 1er bordé de toutes les familles. Notons que 78 jours, c'est juste un tout petit peu plus de 2 mois et demi ...

Et pour l'avenir ?

En ce début mars 2013, c'est la mise en route de la 22ème génération de cette souche, la 7ème chez moi, toujours complètement fermée. Je vais encore maintenir cette petite population quelques temps, mais pas éternellement, malgré son très grand intérêt pour l'étude. J'ai commencé quelques croisements avec des petits-gris "standard", je pourrais infuser un peu de sang neuf, mais je pense plutôt croiser l'ensemble des souches de petits-gris que je suis, en espérant réussir à ne garder que le meilleur de chacune, pour en faire une synthèse ... l'objectif : une bombe hyper-prolifique de 10-11 g. Il faut un objectif ambitieux.