A la fin des années 1980 une expérience a été conduite pour exploiter la propension naturelle des Petits-Gris à coloniser les vignes et tenter ainsi de transformer un "mal" pour un "bien". Jean Pierre Feugnet qui en est l'initiateur en fait ici le compte-rendu et le bilan.

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L’harmonie de la vigne et de l’escargot Petit gris charentais - Jean Pierre Feugnet - 2013

Dans les années 70, début 80 et même avant, une manne d’escargots petits gris se commercialisait sur les marchés de Braud St Louis (33) et des « Capucins » pour alimenter les restaurants et traiteurs de la place de Bordeaux.
Ce ramassage naturel respectait l’arrêté du 24 avril 1979 quant aux dates de ramassage et aux coquilles non bordées. La provenance en était les haies par jours de pluies, mais plus particulièrement la vigne et notamment au moment des vendanges où tout vendangeur possédait son « pochet » pour récolter l’animal.
Au début des années 80, une augmentation des populations d’escargots se fait sentir, probablement due aux nouvelles pratiques de la viticulture, moins d’actions mécaniques : labourages, décavaillonnages, mais désherbage central des rangs de la vigne, ce qui laisse une importante végétation autour des ceps et constitue ainsi de très bons abris pour l’hibernation de l’escargot, une bonne protection contre la dessiccation l’été et des abris tempérés pour la ponte.
La répartition géographique de cette présence importante d’escargots dans les vignes s’étend sur les communes de St Sorlin de Conac, St Thomas de Conac, St Ciers du Taillon, Sainte Ramée, Lorignac, St Bonnet sur Gironde et St Dizant du Gua, en Haute Saintonge au sud ouest de la Charente Maritime. (cliquez sur la carte pour l'agrandir)

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Ce phénomène n’est pas systématique pour toutes les vignes mais pour celles qui sont « parasitées » des comptages effectués en mars 1983 au moment du débourrage (bourgeonnement) ont dénombrés de 40 à 50 juvéniles par cep avec des pointes à plus de 90 unités. La taille de ces escargots allait du juvénile juste éclos à l’adulte bordé avec, malgré tout une forte proportion d’individus du diamètre d’une noisette. Le fait de rencontrer, à cette époque (mars), des juvéniles justes éclos m’avait beaucoup intrigué. C’est en partie ce qui provoqua, plus tard, mes travaux sur la conservation de juvéniles et d’œufs viables, plusieurs semaines voir plusieurs mois : « le report », ceci sera développé dans un autre chapitre.
Dans ces vignes et à cette époque, la présence de ces jeunes escargots constituait une prédation importante de par leur avidité sur les jeunes pousses et surtout les bourgeons fructifères. Les viticulteurs concernés recherchaient les moyens efficaces de s’en débarrasser. J’ai pu voir un déballage de solutions plus ou moins efficaces voir polluantes ; des lessiveuses de 50 l pleines de petits gris non bordés versées au bout des vignes avec écrasement, aux pieds, des juvéniles ; des hélicides en poudre, en granulés mis au sol , mais l’escargot ne descend pas toujours à terre. On place alors ces produits sur les branches. Ce sont des méthodes lourdes en temps, donc l’utilisation d’hélicides liquides pulvérisés au tracteur.
A la vue de tout cela, que peut faire un héliciculteur ?

Premièrement, racheter aux vignerons concernés les escargots ramassés et les engraisser en parcs, c’est ce qui est fait par l’association HELICO chez les héliciculteurs adhérents.
Deuxièmement, initier les viticulteurs à l’engraissement : M Bondon,( StDizant du Gua), M Belaud et M Mornon (St Ciers du Taillon). Je leur rachète ensuite les adultes.

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Lire l'article publié dans la revue Haute Saintonge n°8 de février 1986: article (fichier pdf)

En1986, connaissant mieux le problème et les causes de cette symbiose escargot / vigne, je propose alors d’utiliser la vigne comme support partiel d’élevage. Le petit gris est indésirable lorsqu’il est en excès, à deux moments importants de la culture de la vigne :
1° le bourgeonnement
2° Les vendanges (tri difficile sur la trémie des machines à vendanger de l’escargot et des pampres et des raisins).
Compte tenu de ces difficultés et bien sûr en les intégrant dans le processus de travail, il semble néanmoins possible d’utiliser cette culture comme support primaire d’élevage. Les essais avaient pour but, d’une part :
- De vérifier la possibilité de vie en symbiose, au mieux, de la vigne et de l’escargot.
D’autre part :
- Qu’un prélèvement d’escargot est possible au fil des années, sans réencemencement en juvéniles, afin d’alimenter des parcs d’élevage d’héliciculteurs.
Tout ceci par un ajustement harmonieux des techniques viticoles et hélicicoles. 

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Les acteurs ayant, de près ou de loin, contribué à la mise en place du protocole d'essai :

 Initiative : JP Feugnet, héliciculteur
 Coordinateur : François Barabé, Président de l’Association HELICO (Association régionale pour la Promotion de l’héliciculture en Poitou-Charente).

Voir le protocole d'essai transmis à M Barabé : protocole (fichier pdf)

 Intervenants scientifiques : pour leurs avis sur la possibilité d’associer vigne et escargots
- INRA du Magneraud ; JL Vrillon, JC Bonnet (escargots)
- INRA de Bordeaux ; JP Doazan (vigne)

voir le document transmis par M Doazan : document-Bordeaux (fichier pdf, à mettre en orientation "paysage")

- INRA de Jouy en Josas ; Philippe Gramet (Laboratoire de la Faune Sauvage et de Cynégétique) 

 Intervention à l’Assemblée Nationale : il s’agissait de faire modifier l’arrêté du 24 avril 1979 qui interdit le ramassage d’escargots sauvages non bordés, afin de pouvoir prélever légalement les juvéniles dans les vignes ensemencées.
- M Rémy Houssin, Député de la Charente, Maire de Baignes (16) s’est chargé d’attirer l’attention de M. le Ministre Délégué auprès du Ministre de l’Equipement, du logement de l’Aménagement du Territoire et des Transports, chargé de l’Environnement, M Alain Carignon, sur les problèmes posés par l’arrêté du 24 avril 1979. Malgré cette intervention de M le Député, l’arrêté est resté en l’état.

voir le détail de cette intervention : intervention-Assemblée (fichier pdf)

- M Rigou, Sénateur de Charente Maritime.

Financement : fonds de la région Poitou Charente ; M Nicolas, Directeur Régional de l’Agriculture et de la Forêt à la Préfecture de la Région Poitou Charente.

L’action :
- JP Feugnet ; fourniture et mise en place des juvéniles.
Les viticulteurs :
- Michel Morandière St Sorlin de Conac 17150
- M Rouger la Grassière St Thomas de Conac 17150
- M et Mme Bondon St Dizant du Gua 17240
Les engraisseurs :
- M Rouget St Thomas de Conac 17150
- M et Mme Bondon St Dizant du Gua 17240
- M Belaud St Ciers du Taillon
- M et Mme Mornon St Ciers du Taillon 17240
- L’élevage de la ville d’Eymet 24500 géré par l’Association Hélico

De plus, chez M Roger Lauriou, forgeron à St Bonnet sur Gironde 17150, une machine à « escargoter » la vigne était en cours d’étude. Cette machine tractée, devait, par un système de vibreurs et d’écailles plastiques (comme les machines à vendanger) recueillir les escargots, petits et gros, sortis d’hibernation, sur les ceps de vigne en bourgeonnement au mois de mars.

Autres acteurs : les techniciens de Météo France la Rochelle qui nous fournissaient les températures extérieures et sous abri ainsi qu’à 5 cm dans le sol. Ce sont ces courbes de températures dans le sol qui permettent de mieux comprendre le phénomène d’hibernation des œufs, et donc la possibilité de les conserver plusieurs jours, voire plusieurs mois (article : « report » des œufs et des escargots juvéniles).

voir le compte-rendu officiel de l'expérience rédigé par M Barabé : compte-rendu de l'Helico (fichier pdf)

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Epilogue :

Suite à ces travaux, pendant une dizaine d’années, les escargots de vigne alimentèrent une partie des parcs d’engraissement d’héliciculteurs du Poitou Charente et de Dordogne. L’intérêt pour l’éleveur était la croissance rapide. Ainsi, en moins de deux mois, près de 90% des lots étaient adultes ; gain de temps plus économie d’aliment.
De nouvelles données, certes prévisibles, ne permettent plus d’utiliser cette méthode même si aujourd’hui encore la présence d’escargots perdure dans les vignes :
- Mécanisation totale des vendanges, même pour le Pineau des Charentes.
- Broyage mécanique des sarments de taille dans les rangs où se réfugient les juvéniles.
- Utilisation massive de produits phytosanitaires rémanents autres que la bouillie bordelaise ; présence importantes de métaux lourds dans les chairs.

Cependant, à la même époque, de nouvelles méthodes de production de juvéniles se mettent en place, soit par désaisonnement des adultes (INRA) , soit par la technique dite du « report »,

 

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